Tania Girard Savoie

Ma production de cette année est le résultat d’une nouvelle recherche importante de différents procédés picturaux et graphiques habitant à l’intérieur de l’espace sérigraphique et ayant pour objectif de créer une fusion entre mes trois univers de création et de renouveler ma sérigraphie en créant un décloisonnement des frontières de celle-ci. La sérigraphie n’est plus seulement de la sérigraphie pour la sérigraphie, elle devient dessin, elle devient peinture. Elle n’est pas travaillée en édition, elle est travaillée en monotype. Chaque œuvre sur papier est unique, mais la composition de chacune des pièces est construite par la multiplicité que le processus de l’estampe peut offrir. Je crée différentes matrices en peinture, en dessin et même en sérigraphie elle-même. Chaque univers est la matrice de l’autre et vice versa. C’est en fait une cohabitation entre la peinture et le dessin appliqué en sérigraphie. Les trois procédés s’interpellent et se côtoient. La création de l’œuvre s’exprime pendant la durée de son élaboration, dans son processus de transformation. Lorsque le spectateur observe l’œuvre, il assiste à l’acte de superposition des couches et des taches transparentes, à la multiplication des motifs graphiques. Il imagine le processus de création à l’intérieur du mouvement, des moments et des possibilités d’action de mon corps et de ma pensée à l’intérieur de cet espace, celui du papier ou du support de l’œuvre elle-même. Il peut imaginer un travail en atelier qui fait appel au corps, une gestualité très physique et très dynamique. Par la superposition de plusieurs pochoirs à la fois (une dizaine de soies à la fois) je travaille toujours sur plusieurs œuvres en même temps, intervenant dans une et puis dans l’autre. Tout en offrant beaucoup d’informations visuelles,  ces dernières œuvres sont la représentation d’un sentiment de légèreté et de flottement. Chaque décision prise lors de la création est pensée et créée afin de donner cette illusion. L’œuvre  présente un lieu, un territoire où l’on peut circuler en avant plan et en arrière plan, soit par la superposition des couches, par le choix des couleurs, par la finesse du dessin ou par la dimension de celle-ci. La disposition de la présentation elle-même est aussi prise en considération, afin d’accentuer cet effet de légèreté et de flottement.

L’évolution de mon travail c’est avéré très importante cette année lorsque j’ai créé des tableaux à partir de dessins tracés d’après mes nouvelles sérigraphies, pour ensuite être superposées d’épaisses couches transparentes en acrylique. Mon objectif était de retrouver le savoir-faire pratiqué en sérigraphie et d’être en mesure d’illustrer une certaine signature ou une réelle parenté entre l’univers de la sérigraphie, le  dessin et cette nouvelle peinture.Toujours dans l’esprit de la sérigraphie, c’est-à-dire de superposition de couches transparentes au pochoir, les tableaux réussissent à proposer cette illusion de légèreté et de flottement, image importante que je désire illustrer dans mes nouvelles œuvres. Les tableaux offrent une étrangeté supplémentaire, car même si la matière est dense par la superposition des couches et qu’il y a beaucoup d’informations visuelles dans ceux-ci, la légèreté, l’idée de flottement est bien présente. Le travail sur grand format a considérablement changé mon rapport à l’espace. La circulation à l’intérieur de ce lieu, de ce territoire est encore plus étrange et intéressante. On se sent envahi par  la présence de ces grandes masses épaisses et colorées unifiées par des superpositions de motifs graphiques, le dessin.  Ces motifs reviennent dans plusieurs tableaux ou reviennent également dans le même tableau, de façon inversé ou superposé plusieurs fois. Cette façon de faire est toujours pensée en fonction de l’idée de multiplicité que l’estampe peut offrir.